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RECITS

NOTRE PREMIERE CROISIERE A BORD DE GOULMEDEC

Les jaloux diront que ce ne furent que sauts de puces. Qu’ils médisent à leur aise !

Pour Martine et moi,  et notre Cap Corse « Goulmédec », c’était LA première.

Certes, il y a longtemps, nous avions connu cette expérience, mais sur les bateaux des autres, pas en « Patron ».

J’avais étudié mes cartes marines dans le détail, tracé mes routes, relevé mes caps et enregistré sur mon petit GPS tous les points remarquables (phares, balises, ports …..)

Dimanche 19/07 nous appareillons vers 10h30. La météo est clémente et nous traversons le chenal des Sables d’Olonne avec l’émotion des grands qui partent au long court, mais aussi, avouons le, avec la crainte d’avoir surestimé nos capacités.

5 nœuds de vent au largue nous accompagnent jusqu’au phare des Barges, puis le vent tombe, pétole, mer calme, beau soleil, bronzage.

Au déjeuner, l’alignement de la plage de Sauveterre m’inquiète des 10 milles restant à parcourir. Serons nous ce soir à St Gilles ….ou déjà de retour aux Sables ?

Enfin, vers 14h00, comme annoncé, le vent tourne nord ouest 6, puis 8 nœuds, et nous permet de mettre le cap en direct sur St Gilles, au près.

16h30, Port La Vie nous accueille. Dans le chenal un zodiac de la capitainerie nous indique un ponton pour la nuit.

La réussite de cette première étape nous donne confiance pour la suite du périple.

La capitainerie nous livre la météo du lendemain. 2 beaufort Nord Est, virant 3 à 4 Beaufort Nord Ouest en fin de journée. La remontée vers Noirmoutier sera longue, l’Herbaudière est à 25 Milles.

Lundi 19/07 nous quittons notre catway à 9h00 encouragés par des amis venus sur la digue. Le chenal est agité par le départ de nombreux plaisanciers pêcheurs, motorisés et pressés.

Nous franchissons la passe du Pilours sous 6 nœuds de vent Nord Est, puis nous longeons la pointe de Sion, ses petites falaises incrustées de minuscules criques.

Goulmédec est au largue et file 4 nœuds.

La Barre de Monts, interminable, s’étire dans une pétole désolante et nous nous résignons à 1h30 de moteur pour approcher St Jean de Monts. Face à la laideur du béton Merlin, l’horizon babord, nous dessine nettement l’île d’Yeu. Trop loin pour nous, gare aux gendarmes !

Nous touchons un peu de vent et je sors ma co-équipière de sa léthargie ensoleillée. Il faut tirer quelques bords pour passer la pointe du Bois Martin, amorce d’un pont mystérieux qui rejoint l’île d’Yeu par les Abysses. Le vent est au Sud Ouest et nous voguons vers Fromentine à 5 nœuds. Grand Largue, mer calme, soleil…..c’est fabuleux !

Et c’est là que j’ai fait ma première erreur de navigation. J’ai surestimé la marée et j’ai sous-estimé les bancs de sable de Fromentine.

Ô les belles rouges, Ô les belles vertes du chenal !

Mais entre toi et elles, il y a des montagnes de sable.

Et plantée la dérive !

Vent de travers - courant de travers – vite, Moteur, je t’en conjure, démarre……

On pivote…… On sort….c’est gagné….mais la dérive est faussée et ne remontera plus.

Le vent forcit, il est 16h00, l’Herbaudière est à plus de 10 milles par la passe aux Bœufs, vent debout.

Soyons sages, on annonce force 4, nous passons sous le pont de Noirmoutier. Toujours impressionnant de voir son mât sous un pont, celui-ci affiche pourtant 23 mètres et on a l’impression que la girouette va toucher.

L’anse de la Fosse est un bon abri. Nous jetons l’ancre. Pas d’annexe, donc nous dinerons à bord et vers 21h30, comme mon mouillage glisse un peu, j’emprunte un corps mort libre.

Eole s’est-il calmé ou Morphée a-t-elle été plus puissante ?

Nous n’avons pas senti le force 4 à 5 annoncé pour la nuit, et pourtant le couchage est spartiate dans notre petit croiseur.

Mardi 19/07, 7h00, le lever du soleil sur Fromentine se reflète sur une mer d’huile. La température des couleurs sur les mouillages alentours est splendide.

Et je fais ma deuxième erreur de navigation.

Puisque nous avons contourné Noirmoutier par l’Est, je décide de rejoindre directement le petit port de Tharon, sans faire escale à Pornic. Tharon s’assèche, il faut donc y être avant 15h00.

Nous appareillons à 8h30, la marée monte depuis 2h00, coefficient 50.

Eh ! Marin d’eau douce !

Et le Gois ? Tu le passes à pied ?

D’autant qu’avec une dérive bloquée Goulmédec tire un mètre et pas moins.

Soit on repasse sous le pont et on contourne Noirmoutier par le Sud, mais on ne sera pas à l’Herbaudière avant 12h00 – 12h30, soit on avance avec la marée et on peut espérer passer le gois vers midi.

Ma femme, que j’ai réveillée à 7h30, bénit mes calculs et nous avançons vers le gois. 15minutes de moteur, 15 minutes d’ancre et on recommence. Nous sommes l’unique bateau sur cette baie……tu m’étonnes !

L’espoir reprend enfin quand un pêcheur à fond plat se dirige vers le gois, puis un tout petit voilier. Déjeuner rapide et victoire, à 12h49 précises nous franchissons l’alignement des tourelles, la baie de Bourgneuf s’offre à nous avec un vent de 10 à 12 nœuds au 310.

Pornic est au 340 et je bénis les conseils et astuces glanées lors du cap 2010 à Arcachon.

Mes bas hauts bancs sont fixés maintenant sur le roof, ce qui me permet de mieux fermer le génois. Le petit palan de pied de mât pour bien étarquer la ralingue de voile d’avant a été amélioré. Nous étalons un près serré à quasiment 6 nœuds de moyenne jusqu’à Pornic, et oui, c’était trop tard pour Tharon.

Un vrai bonheur, dans un bon clapot, une étrave qui fend la vague à plaisir et qui nous douche de sel dans le cockpit.

Nous venons de faire 42h00 sans quitter le bord.

L’objectif de cette première croisière était aussi d’offrir à notre oncle de Tharon une ballade sur notre Cap Corse, en mémoire des navigations que nous avions partagées jusqu’à ce qu’il vende son bateau en 1978. Il est donc venu nous chercher par la route et le lendemain nous programmions de ramener Goulmédec de Pornic à Tharon.

Mercredi 21/07, 6h30 debout. Malgré un temps maussade, un crachin gris, nous rejoignons Pornic. A 81 ans, le tonton prend la barre dès le port, sort Goulmédec et à 8h45 je hisse les voiles. La météo donne un vent d’Ouest, force 4 faiblissant 3 dans la matinée. L’horizon s’éclaircit au vent, on y croit.

Nous louvoyons pour remonter la pointe St Gildas. Tonton retrouve ses sensations, il jubile. Je lui propose de temps en temps de reprendre la barre, s’il se sent fatigué, mais il s’accroche, le bonheur est dans ses yeux.

Le vent se calme tant que nous préférons mettre un petit coup de moteur pour tourner la pointe et éviter trop de dérive vers les cailloux.

Puis le cap est sur Tharon, vent arrière, les voiles en ciseau. A 13h30 nous affalons et nous franchissons le S de l’entrée du port de Tharon, avec le traditionnel petit coup de trompe.

Nous rajeunissons tous d’un seul coup de 32 ans ….Quelle émotion !

Et le tonton n’aura pas lâché la barre une seule fois.

Jeudi 22/07, après avoir estimé un départ avec la marée vers midi, un pêcheur local nous indique les passes pour sortir plus tôt. Nous appareillons vers 11h00. Le tonton, un pincement au cœur, veut tout faire. Il branche la nourrice du moteur, le démarre, largue les amarres.

Et courre encore au bout de la jetée pour nous voir sortir.

Vent d’Ouest, 12 à 14 nœuds, mer agitée, j’ai pris un ris. 2h00 à tirer des bords pour atteindre St Gildas, puis un près bien serré nous permet de tenir le cap sur l’Herbaudière que nous atteignons en 2 heures sous un vent forcissant à 17 nœuds au moins.

L’approche par la balise de la Martroger est un peu musclée, les nombreux pavés des hauts fonds soulèvent un clapot assez violent. Nous apprécions le petit capot que j’ai bricolé, sur le puit de dérive. Avant c’était un vrai géser, maintenant on garde les pieds au sec et çà, c’est du confort.

Nous approchons au maximum de la digue pour affaler, car je sais qu’avec ce vent fort, mon emmagasineur de génois, sous dimensionné, va encore me faire une belle torche.

L’abri du port est franchement bien venu. Là aussi, accueil dans le chenal et mise à disposition d’un catway immédiatement par VHF.

Le vendredi est annoncé force 5 à 6, température 15°. Nous resterons à l’abri et visiterons Noirmoutier en l’Isle par la navette autobus.

On se console en se régalant 2 soirs de suite du poisson grillé à la Plancha au restaurant le Transat. Délicieux, il faut que je me bricole une plaque de fonte sur mon barbecue à la maison.

Samedi 24/07. Réveil à 7h00. Nous avons 25 milles à parcourir pour être à St Gilles ce soir.

Petit pain frais, croissant et journal font le bonheur d’un petit déjeuner à bord.

Sur le quai, l’association locale des plaisanciers installe une foire aux puces. Un petit papy, fort sympathique, s’est séparé récemment de son Baroudeur et vend quelques pièces d’accastillage. Il me cède un emmagasineur de génois de 12cm de diamètre (mieux dimensionné que celui que j’avais installé sur Goulmédec) et une défense d’étrave pour un prix dérisoire.

Hier nous avions discuté avec les voisins et un pêcheur local de la passe aux bœufs. Nous allons être dessus à marée basse et même si la mer s’est calmée, tout le monde nous met en garde. Le moindre écart peut être fatal. Mieux vaut tourner le Bavard par le Sud.

A 9h00 nous mettons le cap sur la Grise dans une pétole absolue. Il nous faut ensuite descendre jusqu’à la balise du Bavard pour contourner les Bœufs. 3h00 de moteur, c’est long.

Seuls quelques pêcheurs plaisanciers relèvent leurs filets.

Une fois tourné le Bavard, nous mettons cap au 140 pour rejoindre la pointe de Bois Martin et nous entrons dans une solitude totale. Plus un bateau alentour. Une très légère brise de Nord Ouest nous permet de progresser à 2 nœuds, voiles en ciseau, génois tangonné.

Sur l’horizon Babord défile lentement le sud de Noirmoutier. Le Port du Morin, La Guérinière, Barbâtre, le goulet de Fromentine nous laisse entrevoir le Pont que nous laissons au loin.

La vedette de l’île d’Yeu nous coupe presque la route. Nous répondons aux saluts enthousiastes des touristes embarqués.

15h40, nous nous approchons enfin de Bois Martin. 5 nœuds de vent au grand largue. Nous allons tenter une grande première. Je ne l’ai jamais fait, pas même sur le bateau des autres.

Je me remémore bien mes lectures du bréviaire des Glénans.

Nous allons envoyer le Spi.

La manœuvre est laborieuse, longue et loin d’être parfaite, mais j’arrive à l’établir tant bien que mal pendant que ma co-équipière garde bien le cap.

Je règle les bras, je reprends la barre. Fabuleux, Magnifique, Magique.

Goulmédec file à 4 nœuds (au lieu de 2,5 sous génois). Quelle performance !

Et quelle majesté, je voudrais descendre pour voir mon bateau de l’extérieur.

Nous doublons St Jean de Monts et il faut envisager un empannage pour rectifier le cap vers St Gilles.

A nouveau je révise mentalement mon cours des Glénans.

Choquer un peu les bras du Spi, décrocher le tangon du mât, le porter sur l’autre bras du Spi, reprendre l’ancien point d’amure du Tangon et le raccrocher au mât….et je crois que c’est après qu’on empanne la grand voile…….Pas sûr.

Finalement çà se passe assez bien (avec 5 nœuds de vent et une mer calme). Faudra quand même que je m’entraîne et surtout que je trouve un coach.

Nous arrivons finalement à St Gilles à 19h30 et nos amis nous attendent pour une soirée crêperie.

Dimanche 25/07, la météo annonçait force 4 Nord- Nord Ouest, fraîchissant 5 .

Nous avions donc annulé la petite sortie en mer que nous avions promis à nos amis (4 adultes dont 2 baptêmes dans un Cap Corse avec ce temps là, c’est chaud ).

Dès 8h20 nous prenons la direction des Sables.

Erreur totale des prévisions météo. Crachin épais, pas de vent. Visibilité moins d’un mille.

Nous mettons le cap théorique sur les Barges, au moteur. Bien que nous ne soyons pas très éloignés, par moment nous ne distinguons même plus la côte.

Je confonds Brehm et Brétignolles, je ne trouve pas Sauveterre.

Ma femme est à l’intérieur du roof, à l’abri. Elle se marre et se moque de moi, à la barre, encapuchonné, trempé, et pourtant heureux.

Je scrute l’horizon et quand enfin je distingue sur l’horizon embrumé la silhouette du Phare des Barges, droit dans l’alignement du bateau, je suis fier de mon cap et surtout soulagé.

13h00 nous tournons les Barges, le vent se lève, le soleil perce les nuages. Le temps de rejoindre le chenal de Port Olonna je suis déjà sec.

Et nous entrons dans ce chenal mythique, j’affale et je plie les voiles. Les badauds, sur la jetée, nous regardent rejoindre tranquillement le fond du port.

Hier j’enviais les bateaux que je voyais entrer et sortir.

Aujourd’hui c’est nous, même si petit, qu’on envie, peut-être!

Ils n’imaginent pas l’émotion qui nous envahit.

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